Boulotte la marmotte
Récit d'aventure humoristique pour les 6 - 8 ans
La
montagne est creusée de galeries, de tunnels et de chambres
souterraines où s'activent et vivent les familles de marmottes.
Elles sortent de temps en temps se balader au soleil, récolter les
fleurs dont elles raffolent mais ne s'aventurent jamais trop loin de
l'entrée d'une de leurs galeries. Trop dangereux. Là-haut, les
hommes vont et viennent et mieux vaut se tenir à l'écart de ces
bêtes-là, des fois qu'ils mangeraient de la marmotte.
Mais,
Boulotte, une jeune marmotte un peu distraite et assez téméraire,
est toujours prête à mettre son museau là où il ne vaut mieux
pas, son museau et son sacré caractère...
Un
soir que Boulotte fouinait au dehors, trois chevaliers surgirent et
s'installèrent entre elle et l'entrée du terrier sans qu'elle ait
le temps de réagir. Ils se posèrent là, sortirent quelques
victuailles de leur sac et commencèrent à discuter. Boulotte, prise
au dépourvu, ne pouvait pas s'engouffrer dans la galerie qui la
mettrait à l'abri sans se faire voir des trois hommes. Elle devait,
pour l'atteindre, leur passer sous le nez. Mieux valait donc attendre
patiemment, bien cachée, en espérant que ni aigle ni renard ne
viennent l'attraper pour souper.
Il
faudra faire aussi vite que possible dit le premier homme.
Ne
t'inquiète pas. Personne ne s'opposera à nous. Et le gamin nous
suivra sans crainte dit le second.
Vivement
que la guerre reprenne ! Qu'est-ce qu'on s'ennuie… dit le
troisième.
Boulotte
écoutait sans trop comprendre. Elle attendait, cachée sous un
arbre, que les trois hommes veuillent bien finir leur repas et s'en
aller très loin, dans leur pays des hommes. Après tout, on était
chez les marmottes ici.
Si
on égare le fils du roi dans la forêt, tu es sûr que ça suffira
pour que la guerre reprenne ? dit le troisième homme.
Oh
que oui ! Chacun des Rois accusera l'autre, personne ne s'écoutera
et tout le monde voudra se battre dit le deuxième.
Vivement
que la guerre reprenne, qu'est-ce qu'on s'ennuie… dit le premier.
Boulotte
sentait l'agacement lui monter au nez tandis que les trois chevaliers
n'en finissaient pas de jacasser. Les heures défilaient. Boulotte
n'osait pas bouger de sa cachette et voyait le soleil se coucher
tandis que ces gredins de chevaliers semblaient prendre racine. Ils
étaient bien capable de passer la nuit là.
Enfin,
Boulotte se décida. Il faisait nuit maintenant. Ses parents devaient
être terriblement inquiets. Elle ne pouvait pas rester là. Si elle
s'endormait sous ce tronc, elle risquait de se réveiller dans le
ventre d'un renard... Elle décida de tenter une sortie. Elle respira
un grand coup, retint sa respiration, fronça les sourcils et fonça
droit devant elle, tête baissée. Aussitôt, l'un des hommes
l'aperçut : «Attention ! Une marmotte !» cria-t-il. Les trois
hommes se levèrent d'un bond, deux attrapèrent leur épée et
l'autre sa lance. Ils coururent après Boulotte, qui poussa un grand
cri.
Boulotte
courait, courait, courait, de toutes ses quatre pattes. Mais les
chevaliers la rattrapèrent en quelques secondes. Elle se faufila
dans les broussailles et plongea sous les ronces... les hommes
donnaient de grands coups d'épées qui lui sifflaient près des
oreilles. Son coeur n'avait jamais battu aussi fort. Elle apercevait,
tout près, le trou de sa galerie. Encore un effort ! Elle esquiva
deux coups d'épée de justesse et se jeta dans le trou. Ouf ! Sauvée
!
Tapie
à l'entrée de la galerie souterraine, Boulotte reprenait doucement
sa respiration. Son coeur se calmait lentement. Les hommes avaient
bien tenté de passer le bras dans le trou mais il ne purent entrer
tout entiers. Boulotte était sauvée. Elle écoutait les dernières
paroles des chevaliers qui s'éloignaient, déçus de n'avoir pas pu
l'attraper : «Waow ! Quelle agilité cette marmotte. Grosse comme
elle est, je ne l'aurais pas cru. » dit l'un. « C'est vrai qu'elle
était grosse ! » dit un autre.
«C'est
vrai qu'elle était grosse» La phrase du chevalier résonnait dans
les oreilles de Boulotte. «Quoi ? Grosse ? Je suis grosse ? Mais ça
va pas non ? Je ne suis pas grosse du tout !» Elle n'en revenait
pas. Elle si fine, si jolie, si mignonne. La reine des Alpes ! Mais
pour qui ils se prennent ces hommes, d'abord ? Et qu'est-ce qu'ils y
connaissent en marmottes ?
Boulotte
était tellement perdue dans ses pensées qu'elle n'entendit pas les
cris de ses frères. Ils la secouèrent et elle revint à elle. Ils
étaient fous de joie de la retrouver. Ils la cherchaient partout
depuis des heures. Dans toutes les galeries, dans tous les terriers.
Ils la bombardèrent de questions, mais elle ne répondait pas. Elle
semblait choquée. Elle venait sûrement d'échapper à un grand
danger. Boultte ouvrit lentement la bouche. Chacun se tut.
«
Franchement, vous me trouvez grosse ? » dit-elle.
Elle
devait être sous le choc. Ils la conduisirent à la maison. Sa maman
et son papa sautèrent de joie. Leur petite Boulotte chérie n'était
pas perdu. Ils la cajolèrent, la calinèrent puis, lui demandèrent
ce qui lui était arrivé.
«Franchement,
vous me trouvez grosse ?» leur demanda-t-elle.
Ses
frères racontèrent tout ce qu'ils n'avaient pas vu. Qu'elle avait
combattu des géants et affronté mille dangers. Qu'elle s'en était
sortie par sa bravoure et son courage. Ils ne manquaient pas
d'imagination. Papa Marmotte les calma et Maman mit la table. Il
était grand temps de manger. Le repas fut bien agité, chacun
inventait des péripéties extraordinaires à Boulotte. Mais elle, ne
disait rien. Elle gardait un inquiétant silence. La colère lui
montait lentement au nez : «Ils vont voir si je suis grosse, ces
malotrus.» pensait-elle.
Le
lendemain, lorsque Boulotte se réveilla, sa décision était prise.
Elle déjeuna à toute vitesse et se mit en route. Un de ses frères
la croisa et lui demanda où elle allait. Elle ne prit pas la peine
de lui répondre. Elle ne faisait que marmonner :
«Ils
vont voir si je suis grosse ! Ils
vont voir si je suis grosse !»
Elle
se dirigea vers la sortie de la galerie tandis que son frère, un peu
inquiet, alla en parler à leurs parents. Panique au terrier ! Il
fallait arrêter Boulotte immédiatement. Des fois qu'elle voudrait
retrouver les hommes… Ses frères partirent aussitôt à sa
poursuite. «Poussez-vous ! Y'a urgence ! Boulotte ! Reviens ici tout
de suite ! » Quand ils arrivèrent à la sortie de la galerie,
il était trop tard. Boulotte était déjà dehors. Elle avait
rejoint le campement des trois chevaliers de la veille.
Mais
ceux-ci venaient tout juste de partir. Boulotte regardait leurs
chevaux s'éloigner, en fronçant les sourcils. Elle n'était pas
contente du tout. Elle chercha quelque chose du regard et aperçu un
arbre qui montait très haut. Elle grimpa au tronc. Elle n'était pas
très à l'aise mais elle était très déterminée.
«Mais
ça va pas la tête !» lui crièrent ses frères qui venaient juste
de la rejoindre.
«T'es
folle ou quoi ? Descends de d'là, tu vas te casser la boule !» lui
criaient-ils.
«Ils
vont voir si je suis grosse !» répondit-elle tout énervée.
«Mais
arrête Boulotte ! Une marmotte ça ne monte pas aux arbres. T'es une
marmotte, pas un écureuil !»
Pendant
ce temps, les trois chevaliers galopaient vers un majestueux château.
Arrivée
presque en haut de son arbre, Boulotte put apercevoir où ils
allaient. Elle redescendit en deux trois bonds avec la ferme
intention d'aller au château pour en découdre avec ces hommes. Mais
ses frères lui firent face :
-
Qu'est-ce que tu fabriques Boulotte ? lui demandèrent-ils.
-
Je m'en vais leur montrer qui est grosse à ces malotrus. Je vais
les... je vais leur... je vais
LEUR
MORDRE LES FESSES, TIENS ! ça leur apprendra !
-
Mais t'es tombée folle ou quoi ? dit l'un de ses frères.
-
Poussez-vous de d'là ! cria Boulotte, toute rouge.
Ses
frères tentèrent de la saisirent. Mais pour arrêter Boulotte, il
en fallait plus que ça.
-
Occupez-vous de vos fesses ! leur cria-t-elle. Moi, je m'occupe des
leurs !
Boulotte
laissa ses frères derrière elle et fonça droit devant. Elle
voulait rejoindre le château au plus vite. Elle connaissait un bon
raccourci, un raccourci souterrain. Elle s'engouffra dans un trou
tandis que ses frères décidèrent de la suivre : «On ne peut pas
la laisser faire, on y va ! On la rattrape avant qu'elle ne se fasse
couper en rondelles et on la ramène à la maison... de gré ou de
force !»
Les
trois chevaliers arrivèrent au château. Ils se présentèrent au
portique. On les connaissait bien. C'était les trois chefs des trois
armées des trois royaumes qui vivaient en paix dans la contrée. Ils
furent introduits dans le château par un garde. Aussitôt, ils
demandèrent à voir le fils du Roi. On les conduisit en présence de
l'enfant. Le fils du Roi n'avait que huit ans. Les trois chevaliers
demandèrent au jeune prince de les accompagner pour une promenade en
forêt.
Il
accepta mais exigea d'emmener avec lui son cochon d'Inde.
-
«Je ne suis pas un cochon d'Inde» cria une petite voix dans une
petite cage.
En
effet, ce n'était pas un cochon d'Inde mais une marmotte. C'était
un jeune mâle qui s'était fait attraper par mégarde par les gardes
du Roi. Les trois chevaliers n'avaient rien contre le fait que le
prince emmène avec lui son cochon d'Inde, enfin, sa marmotte, pourvu
qu'ils puissent partir en forêt. Ils se mirent donc en route, les
trois chevaliers, le fils du Roi et la marmotte. Le plan des trois
chevaliers marchait à merveille. Personne ne les avait questionné.
Personne ne s'était interposé. Ils s'enfoncèrent dans la forêt.
Dans quelques instants, ils y abandonneraient le prince et rêvaient
déjà à la guerre que cela allait déclencher entre leurs rois, se
réjouissant qu'enfin ils auraient fini de s'ennuyer.
Boulotte
ressortit du raccourci souterrain. Elle n'était plus très loin du
château quand elle aperçut trois hommes et un jeune garçon
marchant dans la forêt.
Elle
reconnut les trois chevaliers. C'était eux ! Elle se dissimula dans
les broussailles et les suivit sans se faire repérer. Elle voulait
s'approcher sans bruit, au plus près, leur sauter aux fesses, les
mordre à belles dents et s'enfuir à toutes pattes. Il fallait être
discrète et rapide comme l'éclair. Mais… ?! Boulotte venait
d'apercevoir quelque chose. Mais oui, c'était une marmotte ! Une
marmotte dans une cage. Quelle horreur !
13
«Des
trafiquants de marmottes !», voulut-elle crier. Mais mieux valait
rester calme et silencieuse.
Il fallait agir avec force et délivrer compère marmotte, sans
oublier de mordre les trois horribles fessiers. Boulotte poussa un
grand cri de guerre et se précipita sur les derrières. D'un grand
coup de dent, elle mordit le premier. Le petit garçon prit peur,
hurla et lâcha sa cage. Elle tomba à terre et la grille s'ouvrit.
La marmotte, qui n'était
pas
un cochon d'Inde, en profita pour filer de toutes ses pattes. De son
côté, Boulotte se battait avec les trois chevaliers. Enfin,
trois... il n'en restait plus que deux en état de se battre. Le
troisième se tenait les fesses en pleurant. Ils avaient sorti leur
épée. Ils battaient l'air tant qu'ils pouvaient, essayant de
découper cette marmotte qui les attaquait sauvagement. Heureusement,
Boulotte était agile et rapide. Elle esquivait, se cabrait,
bondissait d'un côté, rebondissait de l'autre. Tout à coup, un cri
terrible se fit entendre et tout le monde se figea.
Le
deuxième chevalier hurlait en se tenant les fesses. La marmotte, qui
n'était décidément pas un cochon d’Inde du tout, venait à la
rescousse. Elle aussi avait de bonnes dents. Mais le premier
chevalier avait reprit son combat contre Boulotte. D'un coup vif, il
lui coinça son épée sous la gorge.
-
Alors, la marmotte ! On veut la guerre ? Tu tombes mal, je suis un
spécialiste. Je vais te...
Il
n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il poussa un cri terrible et
se cabra en arrière. Boulotte se redressa et aperçut, accroché aux
fesses du chevalier, trois marmottes. Ses frères venaient d'arriver.
Les trois chevaliers s'enfuirent en se tenant les fesses et en
hurlant. Ils espéraient alors qu'aucune guerre n'éclate, car dans
leur état, ce n'était vraiment pas le moment. Le jeune prince,
quant à lui, courut se protéger au château qui n'était pas bien
loin.
Un
grand éclat de rire résonna dans la forêt. Boulotte, ses frères
et une marmotte, qui n'était pas un cochon d'Inde, riaient comme ils
n'avaient pas ri depuis bien longtemps. Boulotte demanda à l'inconnu
:
-
Qui es-tu, toi ? Qu'est-ce que tu faisais dans cette cage ?
-
Je m'appelle Bouboule. J'ai été surpris un soir par trois gardes du
château. Je n'ai pas eu le temps de regagner mon terrier. Merci de
m'avoir sauvé.
-
Je m'appelle Boulotte. Bienvenue chez les Marmottes.
-
Vous avez été si courageuse, si agile, vous êtes si... si... si
fine.
-
Vraiment ? vous me trouvez fine ?
Boulotte
avait un sourire jusqu'aux oreilles. En voilà un beau garçon qui
savait voir qui elle était. Elle avait bien fait de le libérer. Ça
valait bien quelques coups de dents dans quelques
derrières.