vendredi 28 août 2020

Boulotte la marmotte




Boulotte la marmotte

Récit d'aventure humoristique pour les 6 - 8 ans


La montagne est creusée de galeries, de tunnels et de chambres souterraines où s'activent et vivent les familles de marmottes. Elles sortent de temps en temps se balader au soleil, récolter les fleurs dont elles raffolent mais ne s'aventurent jamais trop loin de l'entrée d'une de leurs galeries. Trop dangereux. Là-haut, les hommes vont et viennent et mieux vaut se tenir à l'écart de ces bêtes-là, des fois qu'ils mangeraient de la marmotte.

Mais, Boulotte, une jeune marmotte un peu distraite et assez téméraire, est toujours prête à mettre son museau là où il ne vaut mieux pas, son museau et son sacré caractère...


Un soir que Boulotte fouinait au dehors, trois chevaliers surgirent et s'installèrent entre elle et l'entrée du terrier sans qu'elle ait le temps de réagir. Ils se posèrent là, sortirent quelques victuailles de leur sac et commencèrent à discuter. Boulotte, prise au dépourvu, ne pouvait pas s'engouffrer dans la galerie qui la mettrait à l'abri sans se faire voir des trois hommes. Elle devait, pour l'atteindre, leur passer sous le nez. Mieux valait donc attendre patiemment, bien cachée, en espérant que ni aigle ni renard ne viennent l'attraper pour souper.

Il faudra faire aussi vite que possible dit le premier homme.
Ne t'inquiète pas. Personne ne s'opposera à nous. Et le gamin nous suivra sans crainte dit le second.
Vivement que la guerre reprenne ! Qu'est-ce qu'on s'ennuie… dit le troisième.


Boulotte écoutait sans trop comprendre. Elle attendait, cachée sous un arbre, que les trois hommes veuillent bien finir leur repas et s'en aller très loin, dans leur pays des hommes. Après tout, on était chez les marmottes ici.

Si on égare le fils du roi dans la forêt, tu es sûr que ça suffira pour que la guerre reprenne ? dit le troisième homme.
Oh que oui ! Chacun des Rois accusera l'autre, personne ne s'écoutera et tout le monde voudra se battre dit le deuxième.
Vivement que la guerre reprenne, qu'est-ce qu'on s'ennuie… dit le premier.

Boulotte sentait l'agacement lui monter au nez tandis que les trois chevaliers n'en finissaient pas de jacasser. Les heures défilaient. Boulotte n'osait pas bouger de sa cachette et voyait le soleil se coucher tandis que ces gredins de chevaliers semblaient prendre racine. Ils étaient bien capable de passer la nuit là.


Enfin, Boulotte se décida. Il faisait nuit maintenant. Ses parents devaient être terriblement inquiets. Elle ne pouvait pas rester là. Si elle s'endormait sous ce tronc, elle risquait de se réveiller dans le ventre d'un renard... Elle décida de tenter une sortie. Elle respira un grand coup, retint sa respiration, fronça les sourcils et fonça droit devant elle, tête baissée. Aussitôt, l'un des hommes l'aperçut : «Attention ! Une marmotte !» cria-t-il. Les trois hommes se levèrent d'un bond, deux attrapèrent leur épée et l'autre sa lance. Ils coururent après Boulotte, qui poussa un grand cri.
Boulotte courait, courait, courait, de toutes ses quatre pattes. Mais les chevaliers la rattrapèrent en quelques secondes. Elle se faufila dans les broussailles et plongea sous les ronces... les hommes donnaient de grands coups d'épées qui lui sifflaient près des oreilles. Son coeur n'avait jamais battu aussi fort. Elle apercevait, tout près, le trou de sa galerie. Encore un effort ! Elle esquiva deux coups d'épée de justesse et se jeta dans le trou. Ouf ! Sauvée !


Tapie à l'entrée de la galerie souterraine, Boulotte reprenait doucement sa respiration. Son coeur se calmait lentement. Les hommes avaient bien tenté de passer le bras dans le trou mais il ne purent entrer tout entiers. Boulotte était sauvée. Elle écoutait les dernières paroles des chevaliers qui s'éloignaient, déçus de n'avoir pas pu l'attraper : «Waow ! Quelle agilité cette marmotte. Grosse comme elle est, je ne l'aurais pas cru. » dit l'un. « C'est vrai qu'elle était grosse ! » dit un autre.


«C'est vrai qu'elle était grosse» La phrase du chevalier résonnait dans les oreilles de Boulotte. «Quoi ? Grosse ? Je suis grosse ? Mais ça va pas non ? Je ne suis pas grosse du tout !» Elle n'en revenait pas. Elle si fine, si jolie, si mignonne. La reine des Alpes ! Mais pour qui ils se prennent ces hommes, d'abord ? Et qu'est-ce qu'ils y connaissent en marmottes ?
Boulotte était tellement perdue dans ses pensées qu'elle n'entendit pas les cris de ses frères. Ils la secouèrent et elle revint à elle. Ils étaient fous de joie de la retrouver. Ils la cherchaient partout depuis des heures. Dans toutes les galeries, dans tous les terriers. Ils la bombardèrent de questions, mais elle ne répondait pas. Elle semblait choquée. Elle venait sûrement d'échapper à un grand danger. Boultte ouvrit lentement la bouche. Chacun se tut.
« Franchement, vous me trouvez grosse ? » dit-elle.


Elle devait être sous le choc. Ils la conduisirent à la maison. Sa maman et son papa sautèrent de joie. Leur petite Boulotte chérie n'était pas perdu. Ils la cajolèrent, la calinèrent puis, lui demandèrent ce qui lui était arrivé.
«Franchement, vous me trouvez grosse ?» leur demanda-t-elle.
Ses frères racontèrent tout ce qu'ils n'avaient pas vu. Qu'elle avait combattu des géants et affronté mille dangers. Qu'elle s'en était sortie par sa bravoure et son courage. Ils ne manquaient pas d'imagination. Papa Marmotte les calma et Maman mit la table. Il était grand temps de manger. Le repas fut bien agité, chacun inventait des péripéties extraordinaires à Boulotte. Mais elle, ne disait rien. Elle gardait un inquiétant silence. La colère lui montait lentement au nez : «Ils vont voir si je suis grosse, ces malotrus.» pensait-elle.


Le lendemain, lorsque Boulotte se réveilla, sa décision était prise. Elle déjeuna à toute vitesse et se mit en route. Un de ses frères la croisa et lui demanda où elle allait. Elle ne prit pas la peine de lui répondre. Elle ne faisait que marmonner :
«Ils vont voir si je suis grosse ! Ils vont voir si je suis grosse !»
Elle se dirigea vers la sortie de la galerie tandis que son frère, un peu inquiet, alla en parler à leurs parents. Panique au terrier ! Il fallait arrêter Boulotte immédiatement. Des fois qu'elle voudrait retrouver les hommes… Ses frères partirent aussitôt à sa poursuite. «Poussez-vous ! Y'a urgence ! Boulotte ! Reviens ici tout de suite ! » Quand ils arrivèrent à la sortie de la galerie, il était trop tard. Boulotte était déjà dehors. Elle avait rejoint le campement des trois chevaliers de la veille.


Mais ceux-ci venaient tout juste de partir. Boulotte regardait leurs chevaux s'éloigner, en fronçant les sourcils. Elle n'était pas contente du tout. Elle chercha quelque chose du regard et aperçu un arbre qui montait très haut. Elle grimpa au tronc. Elle n'était pas très à l'aise mais elle était très déterminée.
«Mais ça va pas la tête !» lui crièrent ses frères qui venaient juste de la rejoindre.
«T'es folle ou quoi ? Descends de d'là, tu vas te casser la boule !» lui criaient-ils.
«Ils vont voir si je suis grosse !» répondit-elle tout énervée.
«Mais arrête Boulotte ! Une marmotte ça ne monte pas aux arbres. T'es une marmotte, pas un écureuil !»


Pendant ce temps, les trois chevaliers galopaient vers un majestueux château.
Arrivée presque en haut de son arbre, Boulotte put apercevoir où ils allaient. Elle redescendit en deux trois bonds avec la ferme intention d'aller au château pour en découdre avec ces hommes. Mais ses frères lui firent face :
- Qu'est-ce que tu fabriques Boulotte ? lui demandèrent-ils.
- Je m'en vais leur montrer qui est grosse à ces malotrus. Je vais les... je vais leur... je vais
LEUR MORDRE LES FESSES, TIENS ! ça leur apprendra !
- Mais t'es tombée folle ou quoi ? dit l'un de ses frères.
- Poussez-vous de d'là ! cria Boulotte, toute rouge.
Ses frères tentèrent de la saisirent. Mais pour arrêter Boulotte, il en fallait plus que ça.
- Occupez-vous de vos fesses ! leur cria-t-elle. Moi, je m'occupe des leurs !


Boulotte laissa ses frères derrière elle et fonça droit devant. Elle voulait rejoindre le château au plus vite. Elle connaissait un bon raccourci, un raccourci souterrain. Elle s'engouffra dans un trou tandis que ses frères décidèrent de la suivre : «On ne peut pas la laisser faire, on y va ! On la rattrape avant qu'elle ne se fasse couper en rondelles et on la ramène à la maison... de gré ou de force !»
Les trois chevaliers arrivèrent au château. Ils se présentèrent au portique. On les connaissait bien. C'était les trois chefs des trois armées des trois royaumes qui vivaient en paix dans la contrée. Ils furent introduits dans le château par un garde. Aussitôt, ils demandèrent à voir le fils du Roi. On les conduisit en présence de l'enfant. Le fils du Roi n'avait que huit ans. Les trois chevaliers demandèrent au jeune prince de les accompagner pour une promenade en forêt.


Il accepta mais exigea d'emmener avec lui son cochon d'Inde.
- «Je ne suis pas un cochon d'Inde» cria une petite voix dans une petite cage.
En effet, ce n'était pas un cochon d'Inde mais une marmotte. C'était un jeune mâle qui s'était fait attraper par mégarde par les gardes du Roi. Les trois chevaliers n'avaient rien contre le fait que le prince emmène avec lui son cochon d'Inde, enfin, sa marmotte, pourvu qu'ils puissent partir en forêt. Ils se mirent donc en route, les trois chevaliers, le fils du Roi et la marmotte. Le plan des trois chevaliers marchait à merveille. Personne ne les avait questionné. Personne ne s'était interposé. Ils s'enfoncèrent dans la forêt. Dans quelques instants, ils y abandonneraient le prince et rêvaient déjà à la guerre que cela allait déclencher entre leurs rois, se réjouissant qu'enfin ils auraient fini de s'ennuyer.


Boulotte ressortit du raccourci souterrain. Elle n'était plus très loin du château quand elle aperçut trois hommes et un jeune garçon marchant dans la forêt. Elle reconnut les trois chevaliers. C'était eux ! Elle se dissimula dans les broussailles et les suivit sans se faire repérer. Elle voulait s'approcher sans bruit, au plus près, leur sauter aux fesses, les mordre à belles dents et s'enfuir à toutes pattes. Il fallait être discrète et rapide comme l'éclair. Mais… ?! Boulotte venait d'apercevoir quelque chose. Mais oui, c'était une marmotte ! Une marmotte dans une cage. Quelle horreur !


13
«Des trafiquants de marmottes !», voulut-elle crier. Mais mieux valait rester calme et silencieuse. Il fallait agir avec force et délivrer compère marmotte, sans oublier de mordre les trois horribles fessiers. Boulotte poussa un grand cri de guerre et se précipita sur les derrières. D'un grand coup de dent, elle mordit le premier. Le petit garçon prit peur, hurla et lâcha sa cage. Elle tomba à terre et la grille s'ouvrit. La marmotte, qui n'était pas un cochon d'Inde, en profita pour filer de toutes ses pattes. De son côté, Boulotte se battait avec les trois chevaliers. Enfin, trois... il n'en restait plus que deux en état de se battre. Le troisième se tenait les fesses en pleurant. Ils avaient sorti leur épée. Ils battaient l'air tant qu'ils pouvaient, essayant de découper cette marmotte qui les attaquait sauvagement. Heureusement, Boulotte était agile et rapide. Elle esquivait, se cabrait, bondissait d'un côté, rebondissait de l'autre. Tout à coup, un cri terrible se fit entendre et tout le monde se figea.


Le deuxième chevalier hurlait en se tenant les fesses. La marmotte, qui n'était décidément pas un cochon d’Inde du tout, venait à la rescousse. Elle aussi avait de bonnes dents. Mais le premier chevalier avait reprit son combat contre Boulotte. D'un coup vif, il lui coinça son épée sous la gorge.
- Alors, la marmotte ! On veut la guerre ? Tu tombes mal, je suis un spécialiste. Je vais te...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il poussa un cri terrible et se cabra en arrière. Boulotte se redressa et aperçut, accroché aux fesses du chevalier, trois marmottes. Ses frères venaient d'arriver. Les trois chevaliers s'enfuirent en se tenant les fesses et en hurlant. Ils espéraient alors qu'aucune guerre n'éclate, car dans leur état, ce n'était vraiment pas le moment. Le jeune prince, quant à lui, courut se protéger au château qui n'était pas bien loin.


Un grand éclat de rire résonna dans la forêt. Boulotte, ses frères et une marmotte, qui n'était pas un cochon d'Inde, riaient comme ils n'avaient pas ri depuis bien longtemps. Boulotte demanda à l'inconnu :
- Qui es-tu, toi ? Qu'est-ce que tu faisais dans cette cage ?
- Je m'appelle Bouboule. J'ai été surpris un soir par trois gardes du château. Je n'ai pas eu le temps de regagner mon terrier. Merci de m'avoir sauvé.
- Je m'appelle Boulotte. Bienvenue chez les Marmottes.
- Vous avez été si courageuse, si agile, vous êtes si... si... si fine.
- Vraiment ? vous me trouvez fine ?

Boulotte avait un sourire jusqu'aux oreilles. En voilà un beau garçon qui savait voir qui elle était. Elle avait bien fait de le libérer. Ça valait bien quelques coups de dents dans quelques derrières.